Réflexions

 

Les artistes doivent-ils représenter le monde ou le transformer?

Les questionnements partagés sur le terrain -dans nos ateliers, dans les rencontres en animation, dans les expériences internationales- sont une inépuisable source d’inspiration, tant pour nos créations professionnelles que pour les réflexions qu’ils suscitent dans notre équipe et que nous publions régulièrement. Nous essayons également, lorsque cela est possible, de compléter l’activité de création théâtrale par la rédaction de réflexions sur les thèmes abordés. Comme tout le reste de notre activité, nous tentons d’élaborer ces textes collectivement.


Quelques jalons de notre expérience

Les textes ci-dessous ont été écrits il y a quelques années, mais ils demeurent des jalons importants de notre expérience, qui continuent à déterminer notre activité.

Plaidoyer pour les mineurs du monde entier … a été écrit en 1996 et a servi de levier théorique pour Poussières du temps et Voyage organisé, créations théâtrales autour de la déportation de milliers d’italiens dans les mines belges suite aux accords signés entre la Belgique et l’Italie en 1946. Ce texte s’interroge sur le travail comme valeur, parle d’hier mais surtout d’aujourd’hui et développe un propos suffisamment universel pour que différentes maisons d’édition jugent utile de le rééditer en Suisse, puis au Québec. Tout dernièrement encore le Collectif Zanzara Athée de Grenoble en a proposé sa version: http://infokiosques.net/zanzara

Hisser le théâtre à la hauteur de la vie
Les artistes doivent-ils représenter le monde ou le transformer? Nous avons notre petite idée sur la question.

Les développements du Théâtre Action en Italie
Rassurés par l’absence momentanée d’une parole collective, l’Italie a peut-être un peu vite enterré Dario Fo et les mouvements sociaux auxquels il s’était associé. La mémoire de la fantastique critique du capitalisme qu’il a mené sur les tréteaux, ajoutée aux questions actuelles que se posent de plus en plus de jeunes adultes sur le monde qu’on leur propose trouve un écho particulier dans les ateliers de théâtre action.

Rien n’est neutre
Quand la société tremble sur ses bases, une pièce de théâtre neutre n’existe plus et les spectateurs cherchent à y retrouver un prolongement, une participation aux grandes questions qui traversent leur existence.

Briser le quatrième mur
Mais qu’est-ce donc qu’un processus de création ?


Manifestes du Festival International de Théâtre Action

Depuis 2005, la direction artistique du Festival International de Théâtre Action en Italie est confiée au Collectif Libertalia. Ce festival a la particularité de proposer un thème volontiers provocateur à partir duquel les compagnies sont invitées à élaborer leur création. C’est l’occasion pour nous, chaque année, de rédiger une courte réflexion sur un sujet de société.

Terra/Arrêt! (2016) Il y eut d’abord un premier mouvement -lento- où l’homme n’était rien d’autre que la nature prenant conscience d’elle-même…

Un millier de coquelicots rouges – Les guerres de…  (2015) C’est la guerre. Arthur court à perdre haleine. Il devrait être aux commandes du tank dont il est l’artilleur, mais il court. Ses grosses bottines font exploser les mottes de terre du champ qu’il traverse. Il fait une chaleur accablante…

Faim ! (2014) J’ai mal au ventre à chaque fois que surgit l’insoutenable vision de mes frères décharnés qui, tels de longs cortèges de condamnés, hantent ces prisons aux geôliers invisibles que sont les couloirs de la faim …

Pouvoir ? (2013) Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, en Amérique Centrale, une petite communauté d’êtres humains qui considérait le pouvoir comme une porte ouverte à tous les abus…

Amour et révolte (2012) Il en va au théâtre comme dans la vie. Tout commence toujours par une scène d’amour. Roméo déclare sa flamme à Juliette qui, de son balcon, se laisse bercer par la douce voix de son amant. Roméo et Juliette veulent juste s’aimer et partir ensemble. L’amour est là, nécessaire, vital et fragile. Mais aujourd’hui dans le monde, rien n’est simple. Juliette a perdu son travail et Roméo, qui est Tunisien, a pour seuls papiers des petits paquets de mouchoirs qu’il vend aux passants…

Vérité (2011) Il peut sembler éminemment paradoxal que des artistes de théâtre, spécialistes de l’illusion et du maquillage, prétendent faire monter la vérité sur scène. Mais comédiens et danseurs n’ont jamais fait secret du plaisir qu’ils éprouvent à inventer fausses situations et personnages fictifs. Et n’est-ce pas précisément parce que le mensonge du théâtre est avéré que ce dernier devient une arme pour tenter quelques vérités? …

Denaro ! (2010) La terre aujourd’hui, tourne assurément un peu trop carré, mais l’argent lui, n’en a cure. Il passe imperturbablement d’une main propre à une main sale, parfois sans même changer de poche. Et si on l’interroge sur sa légitimité, il répond qu’il ne connaît qu’une loi : celle du marché. Il navigue dans ces eaux mouvantes sans aucun complexe et dans le plus parfait anonymat. Le billet de banque déposé sur les fesses d’une prostituée à Bangkok transitera bien vite dans les mains d’un banquier protestant suisse avant de sauter dans une opération humanitaire en Afrique. L’argent achète tout. « De la vérité il fait des mensonges et des mensonge la vérité », disait déjà l’archiprêtre de Hita en 1320…

Et pourtant elle tourne (2009) La science aurait donc toujours le dernier mot, et il faudrait religieusement nous y fier ? Mais après Tchernobyl, Seveso, la vache folle et les OGM, comment continuer à faire confiance à un appareil de connaissances en série qui produit des catastrophes en série? La science n’est-elle pas devenue une autre sorte de superstition moderne? Et quant à la dégradation de la vie sur terre, liée au développement industriel, les scientifiques ne se limitent-ils pas aujourd’hui trop souvent à justifier a posteriori les décisions de l’économie ? …

Croire… ? (2008) Car si notre passage sur cette bonne vieille terre doit globalement se limiter à soutenir la croissance du PNB et la gestion de l’économie mondialisée, comment dès lors ne pas placer son capital de foi dans des religions qui soulagent les tristesses quotidiennes, et nous garantissent, pour l’au-delà bien sûr, un royaume des cieux, enfin sans pauvres ni riches, sans compteurs électriques et sans hommes politiques ? Croire… en une petite compensation posthume ? …

Le mur (2007) Un mur comme celui, peu visible et honteux, que l’argent érige entre les hommes. Un mur comme l’horrible frontière qui se dresse entre Israël et la Palestine, entre l’Europe et l’Afrique, entre les Etats-Unis et le Mexique, entre la ville et la banlieue, et contre lequel viennent se briser des millions de candidats au passage. Un mur comme une barrière née de toutes ces peurs insufflées par les médias et qui alimentent la guerre entre pauvres. Un mur têtu comme la censure, imposant comme la grande muraille de Chine…

Le travail rend libre … ? (2006) En définitive, face à la terrible obligation de travailler pour vivre, s’associent la conviction folle que le travail n’est pas l’horizon indépassable de l’humanité et l’inaccessible désir d’une libre disposition du temps comme champ d’épanouissement de l’activité humaine…

Migrations (2005) Il y a les migrations de l’âme, les migrations du cœur, les voyages à faire avec sa voix, son corps, son imagination, des migrations infinies qui nous portent encore, têtus que nous sommes, à nous tenir debout sur scène pour crier face à une lune en carton-pâte que ses reflets d’argent ne nous suffisent pas et que nous partons une nouvelle fois, armés de nos mots, de nos rires, de nos chants, de nos chœurs, à la recherche passionnée de l’« inaccessible étoile »…